LETTRE OUVERTE D'UN MÉDIOCRE A SON MINISTRE Cette lettre est une missive PERSONNELLE ouverte envoyée par un quidam (votre serviteur) à son ministre en novembre 2009. Cette missive a été reprise au bond par d'autres quidams et une version vidéo de celle ci a été réalisée... La voici :
Pour élargir le propos : je suis français. « Identité nationale ». Fierté d'être français. Est-ce possible en l'occurrence ? Non. Je ne suis pas fier d'être ressortissant d'un pays qui méprise autant les fragiles. Je ne suis pas fier de constater que la vie créatrice de mon pays s'écroule parce que ses édiles font le calcul à court terme d'évacuer ce qu'ils ne peuvent pas comprendre et ceux qu'ils ne peuvent pas comprendre. |
reponse d'un édile
... et réponse à la réponse :
« à : monsieur le Ministre de la culture Objet : votre réponse à mon courrier du 23 novembre
Monsieur le Ministre,
j'ai bien reçu la réponse donnée par votre collaborateur Michel Lagrave à mon courrier qui n'en demandait pas. Je l'en remercie. Après avoir lu avec beaucoup d'étonnement cette réponse, et à l'aune de celle-ci, j'ai relu mon courrier pour bien vérifier que ni vous ni lui ne l'aviez donc lu.
Monsieur Lagrave me répond de son endroit, celui de la « professionnalisation et de la solidarité ». Je lui en suis très reconnaissant, mais sans fausse modestie, je ne me sens pas concerné par quelque action que ce soit en vue de ma PROFESSIONNALISATION. Je suis « professionnel » reconnu par mes pairs depuis assez longtemps pour ressentir comme un affront le fait que l'on me propose de devenir un « professionnel ». Par ailleurs, je trouve dégradant cette sorte de « rétrogradation » sur le plan social du « problème » des artistes.
Je n'expose pas seulement dans ce texte des « griefs » mesquins de ma piètre personne à l'endroit de pôle emploi. Cet organisme est chargé par vous, politiques, d'appliquer des textes iniques. A « pôle emploi », les nouveaux suicidaires exposent d'ailleurs bien mieux que moi la difficulté d'appliquer ces textes. Je vous renvoie à l'oeuvre de Franz Kafka, elle est toujours très précise et actuelle dans la description de ce que vous leur et nous infligez. J'adresse dans mon courrier du 23 novembre un message politique à mon ministre et choisissant la « lettre ouverte », j'en fais un objet de partage avec mes collègues du spectacle vivant. Je l'ai d'ailleurs écrite en pensant plus à eux qu'à ma propre personne. Depuis qu'elle a été écrite, cette lettre circule, et j'ai de nombreux témoignages de collègues qui l'approuvent, et la font eux-même circuler. A part les formidables vedettes que vous cotoyez, il y a dans votre pays des acteurs de la culture vivante qui vivent très mal un système qu'ils dénoncent comme mauvais et inadapté depuis longtemps, et notamment par l'intermédiaire de la coordination des intermittents et précaires. Les réponses aux questions que nous posons ont toujours été violentes, policières, et certainement pas dans la création d'un dialogue.
Votre collaborateur me parle dans sa réponse des « partenaires sociaux ». Je vous propose de changer de vocable et de plutôt parler de « complices sociaux ». Nous ne sommes pas dupes, nous savons que votre projet politique à terme est la déconstruction du système de l'intermittence, avec la complicité du MEDEF et de la CFDT.
Vous me rappellez « l'attachement à l'intermittence » de notre premier magistrat. Vous faites bien, j'avais déjà oublié cette phrase. Je n'y crois pas. Lui comme vous, avez idéologiquement une sainte horreur de la redistribution sociale à tous de la richesse produite par tous. Le système de l'intermittence avait, avec de nombreux défauts à corriger, cette fonction. J'ai bien noté cet « attachement à l'intermittence » de notre président. Notamment le 31 décembre dernier alors que nous attendions la renégociation du statut qui n'a donc pas eu lieu, ...par le simple fait du prince ? Dans une république, ce report arbitraire qualifie bien la surface d'action et de décision des complices sociaux. Je ne pense pas qu'il y ait « attachement » de notre premier édile au système de l'intermittence, et je redoute comme beaucoup la première scène de ménage de celui-ci avec la joueuse de guitare qui partage sa vie.
Etre artiste c'est ontologiquement faire matière à ouvrage du PLAISIR. Le plaisir que l'on va donner à notre public. Un plaisir qui est ce but, et que l'on doit éprouver également dans sa réalisation. Les curés du passé ne s'y trompaient pas qui nous excluaient du monde de Dieu (« sur Terre comme au Ciel »!). Dans notre métier, il nous est ainsi souvent difficile de dire je « travaille » (surtout quand on connait l'étymologie du mot), alors on dit je « joue ». Je vous rappelle qu'en 1789 les comédiens ont été (ré-)intégrés dans la citoyenneté de droit. Vous, au ministère républicain de la culture et de la communication, et avec l'aide des différents rouages administratifs, vous êtes les nouveaux ex-communicateurs qui avez pour charge de nous punir pour ce plaisir. Rappelez-vous que malgré le récent discours du Latran, nous sommes toujours dans une république laïque. Rappelez-vous que la culture est un catalyseur – à tous les niveaux – d'une société ouverte et vivante, sans exclusive.
Commencez à constatez que, à l'instar des scientifiques français obligés de quitter le territoire pour trouver ailleurs du travail, et SURTOUT un respect qu'ils ne trouvent plus ici, les artistes valables, authentiquement créatifs, vont commencer à quitter la France pour des exils économiques, symboliques, voire politiques. Des « Marie N'Daye » on en croise des tas à Berlin, à Bruxelles et ailleurs.... Commencez à constater qu'il existe déjà un véritable exil intérieur de nombreux créateurs valables dans notre pays. L'exil de ceux qui à tous âges, et pour des mesquineries se retrouvent au RSA après avoir fait rêver leur public, parce que leur pays a choisi d'abandonner la création.
David CHAZAM, musicien, 11 décembre 2009. » |